Les Mexicains ont fini de participer, dimanche 6 juin, à des élections législatives et locales, un processus-clé pour le président, Andres Manuel Lopez Obrador (« AMLO »), émaillé par des violences.
Les derniers bureaux de vote ont fermé à 20 heures locales (3 heures du matin lundi heure de Paris) après dix heures de scrutin pour renouveler la Chambre des députés, quelque 20 000 postes régionaux et 15 des 32 gouvernorats.
Selon une première estimation officielle diffusée après 23 heures (6 heures heure française), le parti au pouvoir au Mexique a perdu la majorité absolue et la majorité qualifiée avec ses alliés à la Chambre des députés. Le parti Morena du président AMLO disposera d’entre 190 et 203 des 500 sièges, perdant la majorité absolue (la moitié plus un) à lui seul et la majorité qualifiée (deux tiers) dont il jouissait avec ses trois partis alliés, d’après les premiers résultats de l’Institut national électoral (INE).
Quelque 95 millions de Mexicains avaient été conviés à ce scrutin en forme de test de mi-mandat pour AMLO, président de gauche élu pour six ans en 2018.
Deux têtes humaines découvertes dans des bureaux de vote
Le scrutin a été endeuillé par le meurtre de cinq responsables d’un bureau de vote. Ces assassinats ont eu lieu la veille du scrutin, lorsque des hommes armés ont tendu une embuscade à un groupe de personnes qui transportaient du matériel électoral dans une camionnette, dans une localité de l’Etat du Chiapas, dans le sud du pays, a fait savoir le bureau du procureur général. L’attaque a alourdi le bilan d’une campagne qui a vu 89 politiciens tués depuis septembre, dont 36 candidats ou précandidats, selon Etellekt, une société de conseil.
A Tijuana (nord-ouest), ville frontalière des Etats-Unis, deux têtes humaines ont été découvertes dimanche dans des bureaux de vote, ont rapporté les autorités locales. Lors d’un premier incident, alors que les bureaux étaient ouverts depuis un peu plus d’une heure, un homme s’est approché et a jeté une tête humaine à l’intérieur, selon un rapport du bureau du procureur de l’Etat de Basse-Californie. Le vote a été momentanément perturbé et l’intervention de la police a été nécessaire pour emporter la tête.
Quelques heures plus tard, dans un bureau de vote de la même zone, un homme s’est approché et a laissé une autre tête ainsi que des restes humains démembrés dans une boîte en bois, placée juste à côté de l’urne. A proximité d’un autre bureau de vote, des sacs contenant des restes humains ont également été découverts, selon le rapport du procureur. Cette suite d’incidents s’est produite dans la même circonscription électorale de Tijuana, en bordure de San Diego, en Californie.
La secrétaire à la sécurité publique, Rosa Icela Rodriguez, a affirmé que des zones de violence avaient été identifiées pendant la journée électorale. A Guerrero (sud), l’un des Etats les plus violents du pays, des membres de la police civile communautaire ont patrouillé toute la journée. « Les membres du crime organisé viennent pour diviser les gens, ils ne les laissent pas voter librement », a averti Isaias Posotema, un des responsables de cette police à Chilapa, une zone gangrenée par les gangs.
L’INE a annoncé qu’en raison de troubles de l’ordre public, 20 bureaux de vote sur un total de 162 000 n’avaient pu être installés.
Un « référendum » pour ou contre AMLO
« L’enjeu n’est ni plus ni moins que l’avenir du Mexique », analyse Pamela Star, professeure à l’Université de Californie du Sud (USC) en soulignant que « les électeurs vont devoir choisir entre deux visions d’avenir pour le Mexique : celle des réformes d’AMLO ou un retour à une politique plus ancienne ». « Cette élection est un référendum pour Lopez Obrador », estime le cabinet conseil britannique Capital Economics.
Bien que le Mexique soit l’un des pays les plus durement touchés par le Covid-19, la perspective d’un vote sanction semble s’éloigner avec le recul des indicateurs de la crise sanitaire, selon plusieurs sondages. De fait, AMLO maintient une cote de popularité de plus de 60 % et devrait conserver une majorité confortable.
Le Mexique, pays de 126 millions d’habitants, comptabilise près de 229 000 morts consécutives au Covid-19. Le taux de mortalité est le quatrième au monde en chiffres absolus et le 19e pour 100 000 habitants.
L’alliance au pouvoir, dirigée par le parti Morena d’AMLO, dispose d’une majorité qualifiée à la Chambre des députés (deux tiers des 500 députés), qui est élue tous les trois ans. Morena contrôle également le Sénat – qui n’est pas l’enjeu de cette élection – et doit négocier avec les autres blocs pour obtenir une majorité qualifiée. Fortement affaiblie sous la domination de l’administration AMLO, l’opposition est en concurrence avec une alliance de partis traditionnels : l’historique PRI (centre), le PAN (conservateur) et le PRD (gauche).
L’économie mexicaine, la deuxième d’Amérique latine, s’est contractée de 8,5 % en 2020 dans un contexte de contrôle strict des dépenses par le gouvernement, qui, avec la banque centrale autonome, prévoit un rebond de 6 % à 7 % cette année.
Source : Le Monde
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